Amendes administratives à Tournai pour des injures sur les réseaux sociaux

Publié le 12 janvier 2015
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Mr Delannois, bourgmestre ff de Tournai, mettra à l’amende tous les internautes qui profèrent des injures.  Il affirme aujourd’hui que ce ce sera une priorité du Collège pour 2015.

Pour bien comprendre les amendes en question, replongeons-nous quelques mois plus tôt.

A Tournai, comme dans de nombreuses communes de Wallonie picarde, les conseils communaux ont voté l’introduction de sanctions administratives communales ( SAC) aux infractions dites mixtes (injures, vols simples, coups… ) relevant du code pénal. Les écologistes ont dénoncé les dérives d’un tel dispositif. Les juges sont le troisième pilier de notre démocratie car ils sont indépendants des pouvoirs législatif et exécutif. Les juges sont inamovibles pour garantir cette indépendance. Dans l’application de sanctions administratives communales, ce principe est bafoué. C’est un fonctionnaire communal, appelé agent sanctionnateur, qui décide s’il poursuit ou non l’infraction commise. Ce fonctionnaire communal, nommé par le pouvoir politique communal, évalué par celui-ci, éventuellement sanctionné par celui-ci, a-t-il vraiment toute l’indépendance requise ?

Dans tout l’arrondissement judiciaire du Hainaut, un protocole a été signé entre le Procureur du Roi et les communes, précisant quelles infractions resteront poursuivies par le Parquet et quelles autres seront délaissées par celui-ci et transmises aux Communes pour l’application éventuelle d’une sanction administrative. L’injure fait partie de cette dernière catégorie.

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Aujourd’hui, nous assistons à une première dérive de l’application des SAC à Tournai. Suite à des plaintes déposées auprès de la police pour propos injurieux sur facebook ou twitter, le fonctionnaire sanctionnateur décidera d’appliquer l’amende administrative.  Mais comment distinguer un propos injurieux d’un autre?  Sur quelle base le fonctionnaire sanctionnateur décidera-t-il d’appliquer l’amende ou pas?  L’amende administrative pourra s’élever de 50 à 350 euros. Sur quelle base le fonctionnateur décidera-t-il que telle injure « vaut » 100 euros et telle autre 350 euros !
Les propos injurieux sont inadmissibles.  Pourtant, ils sont réguliers sur les réseaux sociaux. Ceux-ci servent de défouloir à ceux qui entendent critiquer tout et tout le monde .Mais une  amende administrative changera-t-elle l’état d’esprit de ces internautes-là?  Il vaut mieux tout d’abord en appeler aux modérateurs de débat dans les groupes et forums de discussion, prendre un peu de hauteur en rappelant l’importance du débat d’idées.  Les élus et les fonctionnaires sont des cibles faciles pour les « critiqueurs professionnels » : c’est bien connu! Mais un peu d’humour, un peu de recul, permettent souvent de ramener le débat à de plus justes proportions.

Plutôt que de s’engager sur le terrain miné des amendes à tout prix , nous demandons à nos dirigeants politiques de faire preuve de pédagogie et de soutenir les associations citoyennes qui aident ceux-ci à répondre aux injures verbales ou écrites. Des associations de femmes, par exemple, apprennent à celles-ci à répondre de manière humoristique aux injures verbales. Des associations de citoyens forment à la médiation, à la culture de la réplique plutôt qu’à l’attitude de victime.

 

Marie-Christine Lefèbvre